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Qualité Références n° 53

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Perpectives 2011 : OUTILS & METHODES DE MANAGEMENT

DOSSIER moral et

DOSSIER moral et éthique de la responsabilité sociale. Faute de penser cette instrumentation des normes de responsabilité sociétale par les organisations, cette mise en œuvre des normes ISO demeure difficile, d’autant que l’ISO ne constitue pas nécessairement l’instance qui pourrait paraître la plus légitime pour poursuivre ces enjeux d’ordre démocratique. Peutêtre les communautés professionnelles et les syndicats pourraient-ils être conviés à cette mise en œuvre, à travers des structures qui demeurent à inventer : ce qu’il faut aujourd’hui construire, ce sont les outils juridiques ou philosophiques capables d’accompagner l’évolution du rôle des organisations. De leur côté, Thierry Fouque et Frédéric Gautier (Professeurs de gestion à Nanterre) montrent que la mise en œuvre des principes de responsabilité sociétale de la norme ISO26000 ne sauraient se dispenser de prendre en compte la manière dont se coordonnent les entreprises dans les processus de production transnationale à travers l’intégration de la chaîne logistique. Celle-ci désigne l’ensemble des flux physiques, des processus et des informations associés, en vue de l’approvisionnement, la détention, la circulation et la mise à disposition des produits depuis leur conception jusqu’au client final. La question est dès lors de savoir comment les règles issues de la norme ISO 26000 peuvent prendre place dans cette chaîne logistique. L’expérience de la mise en oeuvre des politiques de management dans ces chaînes montre DR la difficulté qu’il existe à diffuser des règles à destination des fournisseurs, a fortiori pour les fournisseurs de rang 2 ou 3. Dans cette diffusion, les mécanismes de certification jouent un rôle important. La norme ISO 26000, en fermant la voie d’une certification de portée internationale rend cette tâche ardue. Dès lors, la diffusion des lignes directrices devrait davantage valoriser la diffusion d’informations sur la responsabilité sociétale et le dialogue entre les différentes organisations d’une chaîne logistique. Les rapports du normatif et du juridique Du côté du droit, Frédéric Guiomard (Maître de conférences à Nanterre) montre la tension qui existe aujourd’hui entre une norme ISO qui a la prétention de définir elle-même les règles applicables à la responsabilité des entreprises et les effets assez limités dans l’ordre juridique de ce texte. La norme ISO conduit à sélectionner les règles qui pourraient régir le comportement des entreprises, en isolant, au sein des normes juridiques internationales celles qui seraient le mieux à même d’encadrer l’activité des entreprises. Dans ce « selfservice » normatif (selon l’expression d’Alain Supiot), certaines normes sont valorisées (comme la définition de standards généraux encadrant les conditions de travail ou les discriminations), mais d’autres ne sont mentionnées que très évasivement L’ouvrage de référence L’ISO 26000 vient de sortir, c’est une innovation de taille dans le domaine de la responsabilité sociétale. Mais quel est son rôle exactement ? Quel impact va-t-elle jouer sur le cadre de travail des organisations ? Quels seront les outils opérationnels à mettre en place ? Cet ouvrage, qui lui est consacré, permet de répondre à toutes ces questions et éclaire le lecteur sur les changements concrets qu’elle implique. L’ISO 26000 est la toute nouvelle norme fondamentale. Elle symbolise une seule et même compréhension de la responsabilité sociétale au niveau mondial. Elle favorise l’innovation, afin de répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain en matière de développement durable. Dans ce contexte, il fallait un livre pour la décrypter sans verser dans la théorie complexe. Il le fallait aussi pour que les lecteurs saisissent toutes les pistes de mise en œuvre de la norme ISO 26000. Il fallait enfin un outil pour que les entreprises s’évaluent à l’aune de cette nouvelle norme. Les 8 auteurs de cet ouvrage rigoureux et accessible, passionnant à bien des égards, sont tous des spécialistes de la norme ISO 26000 : Mérylle Aubrun, Franck Bermond, Emilie Brun, Jean-Louis Cortot, Karen Delchet-Cochet, Olivier Graffin, Alain Jounot et Adrien Ponrouch. «ISO 26000 Responsabilité sociétale – Comprendre, déployer, évaluer», éditions Afnor, 305 pages. (respect des contrats, contrôle des opérations de restructuration, paiement des salaires...), ou sont oubliées (garantie de l’intervention de l’Etat, délimitation de la responsabilité dans les groupes de sociétés, intervention des juges...). Du côté des effets, la norme ne peut s’appliquer directement mais elle pourrait être amenée à produire certains effets au moyen d’une incorporation dans les contrats ou les règles des entreprises, et dans l’évolution des règles de la responsabilité civile. Sophie Robin Olivier (Professeur à Nanterre) s’interroge de son côté sur la manière dont la norme ISO va se combiner avec les nombreuses normes nationales et internationales relatives aux questions abordées par ce texte. A première vue, la norme, dépourvue d’effet impératif, pourrait aisément se combiner avec le droit existant, de par son langage technique, plus compréhensible que la norme juridique pour les acteurs de l’entreprise, et par sa vocation à diffuser les idées et une communauté de vues. Toutefois, la question apparaît immédiatement plus complexe en raison de la multiplicité des normes en jeu. Les lignes directrices ont fait prévaloir un certain nombre de choix normatifs : ainsi la volonté d’une promotion de la lutte contre les discriminations insiste sur les actions correctrices. Mais comment pourra-t-on combiner ces normes avec celles de l’Union européenne qui demeurent très prudentes sur le terrain des actions positives ? Il en sera de même pour interpréter le sens des normes qui auront intégré la norme ISO à des contrats : quelle méthode choisir pour combiner ces normes issues de l’ISO et celles du droit national qui n’auraient pas la même signification ? La norme ISO paraît privilégier l’application de la norme la plus favorable. Il est cependant des matières dans lesquelles il est impossible de déterminer laquelle est la plus favorable : ainsi dans la conception des discriminations, qui pourra dire que le choix de collecter des données raciales afin de réaliser des actions positives ou celui d’une interdiction pure et simple des discriminations ? Le choix dépendra ici nécessairement du juge saisi. Limites de l’évaluation des politiques sociétales Enfin, Guillaume Delalieux, (Maître de conférences en gestion, IAE de Valenciennes) montre de son côté que l’analyse doit dépasser une réflexion d’ordre QUALITÉ RÉFÉRENCES ➤ JUILLET, AOÛT, SEPTEMBRE 2011 ➤ PAGE 36

DOSSIER théorique pour réfléchir aux conditions concrètes de la manière dont ces normes trouvent à s’appliquer. Destinée dès l’origine à ne pas être certifiable, la norme ISO 26000 semble néanmoins vouée à un bel avenir dans le domaine de l’évaluation des politiques de Responsabilité Sociale des Organisations, comme en témoigne le positionnement actuel des acteurs de l’audit social et environnemental sur le créneau de l’application de l’ISO 26000. Cette évaluation des politiques de responsabilité sociétale par les acteurs traditionnels de l’audit social conduit inévitablement aux limites inhérentes à ce type de contrôle. Le risque principal tient au découplage des pratiques entre pratiques affichées et pratiques réelles, système qualifié parfois d’hypocrisie organisationnelle. Le développement des initiatives visant à appliquer l’ISO 26000 risque par ailleurs de renforcer les systèmes d’audit privé, au détriment d’alternatives dont elles ne facilitent pas le développement, comme les inspections du travail locales. Le projet pilote mené par l’OIT au Cambodge depuis 2001, Better Comprendre les interactions entre les entreprises et la société Primal est un groupe de recherche international et inter-disciplinaire en Droit, management et philosophie de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Il est dirigé par Eric Pezet, Professeur de Sciences de Gestion à l’Université et Directeur du Master RH à l’IFG-CNOF., La création de Primal, groupe unique dans le monde, a été inspirée par le constat que le management a une influence normative au-delà de l’entreprise et qu’il produit des effets sur le fonctionnement même de la société. Interroger les modalités et les conséquences de l’extension du champ d’application des normes managériales permet de mieux comprendre les mutations de la société actuelle. Cette problématique est abordée à travers deux thèmes de recherche principaux : l‘interaction entre les normes juridiques, les normes managériales et les normes politiques ; les effets de cette interaction sur les processus démocratiques. Ces thèmes de recherche sont développés suivant quatre axes à partir desquels sont menés des projets de recherche spécifiques : responsabilité sociétale de l’entreprise et social accountability , justice sociale et management ; rapports managériaux à la société, démocratie et management public. Factory Cambodia, a pourtant montré combien ce type d’inspection des conditions de travail pouvait être efficace. La réplication de ce projet au sein d’autres pays dans le cadre du programme Better Work continue de se heurter à la concur- rence frontale de l’industrie de l’audit social qui bénéficie à plein de l’engouement suscité par la sortie de l’ISO 26000 ■ Eric Pezet QUALITÉ RÉFÉRENCES ➤ JUILLET, AOÛT, SEPTEMBRE 2011 ➤ PAGE 37

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