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Qualité Références n°48

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INTELLIGENCE éCONOMIQUE ET VEILLE DOCUMENTAIRE

DOSSIER Expertise Le

DOSSIER Expertise Le point de vue de Laurence Marcelli (iScope) Quels sont aujourd’hui les freins au développement de la veille au sein des entreprises ? Laurence Marcelli. On peut distinguer deux grands types de freins au développement de la veille en entreprise : culturels et organisationnels. Pour de nombreuses entreprises, la conviction que la veille, en particulier sur Internet, apporte une valeur ajoutée à l’information déjà détenue ou obtenue de manière traditionnelle, n’est pas acquise. Ce phénomène est indépendant de la taille de l’entreprise. Si les grands groupes ont été les premiers à se doter de systèmes de veille professionnels, c’est bien sûr parce que leur marché est international, mais c’est aussi parce que l’intégration ou le développement d’une pratique de veille sur Internet impacte peu l’organisation de l’entreprise elle-même. Et c’est le deuxième frein, celui de l’impact sur l’organisation et les pratiques : plus une entreprise est petite, plus l’introduction de nouvelles pratiques impacte son organisation. Il faut ajouter à cela que ces nouvelles pratiques, qui ont vocation à remplacer des méthodes traditionnelles d’acquisition de l’information, viennent bien souvent s’y ajouter. Le problème est donc celui de la gestion de la transition, qui accompagne l’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Enfin, on pourrait apporter un élément plus sociologique : l’information stratégique est traditionnellement détenue par ceux qui au sein de l’entreprise ont un pouvoir de décision. L’arrivée de compétences nouvelles en matière d’intelligence économique change la donne et décentralise la capacité à détenir une information décisive. Pour ceux pour qui l’information est synonyme de pouvoir, il y a le sentiment que leur position au sein de l’entreprise est menacée. Au-delà de la question des moyens, les freins au développement de la veille en entreprise oscillent entre scepticisme et crainte du changement. Et quels en sont les accélérateurs ? Laurence Marcelli. L’accélération du déploiement d’un système de veille est généralement le fruit d’une combinaison de facteurs. Parmi les premiers facteurs clés, il y a l’impulsion de la direction, ou au minimum un soutien apporté à la démarche. La décision ne repose pas toujours sur des critères objectifs, tels que l’accroissement de la compétition ou la visibilité pour développer un marché. Pour les raisons évoquées précédemment, il y a un environnement interne à l’entreprise qui doit être propice : capacité à accompagner le changement, compétences métier, une certaine ouverture d’esprit, voire une vision du développement de l’entreprise. « Trop souvent malheureusement, les deux mondes IE et Si se comprennent mal, et la DSI est perçue comme un frein par les équipes de veille. » Quels sont les écueils à éviter pour monter un service de veille ? Laurence Marcelli. Ils sont principalement au nombre de trois : - une centralisation et une confiscation de la production d’information à valeur ajoutée ; - une gestion chronophage du processus de veille, empêchant le retour sur investissement ; - l’absence de partage et de circulation de l’information, conduisant à l’asphyxie du système Le principal écueil de mon point de vue est de confondre information et pouvoir et de cantonner l’accès à l’information et la production d’information à valeur ajoutée à une équipe ou un service dédié. En effet, l’information ne prend vraiment son sens et n’a de valeur que lorsqu’elle peut être mise en perspective, à la fois dans le temps et dans un contexte influent. Ce contexte est marqué par l’influence d’éléments dont la connaissance est détenue par différents acteurs. La mobilisation de savoirs complémentaires et le recours aux experts d’un domaine est à la fois utile et nécessaire à la création d’une information élaborée. Cette information a vocation à contribuer à la prise de décision. La production d’information et d’analyse au sein de l’entreprise doit donc être décentralisée. Elle repose en revanche sur une centralisation et une mutualisation des moyens afin d’optimiser l’infrastructure ; dans le processus de veille, la mutualisation des sources est élément clé de cette optimisation. Deuxième facteur clé, le temps : pour convaincre, la mise en œuvre d’un système de veille, a fortiori s’il est automatisé (1) , doit générer des gains de temps importants par rapport à la quantité de données traitées et au résultat obtenu. On touche ici un point sensible : le retour sur investissement est peu mesurable dans les métiers de l’information et en même temps on comprend vite qu’il n’est pas possible de perpétuer des pratiques documentaires classiques si l’on souhaite exploiter efficacement les gisements d’information du web. L’adoption d’une approche beaucoup plus dynamique de la gestion de l’information s’impose. Notamment, il faut renoncer à reproduire à partir du web la qualification et la structuration de l’information telle qu’on la trouvait dans les bases de données documentaires. À iScope, nous avons ainsi limité les interventions humaines en amont de l’analyse et privilégié une grande automatisation (1) Il est possible de concevoir un système de veille “sans outils” efficace. QUALITÉ RÉFÉRENCES ➤ AVRIL, MAI, JUIN 2010 ➤ PAGE 40

DOSSIER des traitements, depuis la collecte jusqu’à la restitution d’une information “profilée”. Ceci permet d’une part de surmonter des étapes intermédiaires très chronophages et d’adapter les flux d’information aux besoins des utilisateurs finaux et des analystes. On a posé les principes d’une structuration de la démarche de mise en place d’un système de veille : centralisation des moyens pour l’automatisation de la production d’information utile en amont de l’analyse et décentralisation de l’analyse et de la production d’information à valeur ajoutée. Troisième élément moteur d’un système de veille, le partage et la visibilité sur l’information produite. L’apport et la circulation de d’information contribuent à alimenter le système de veille. En particulier, la capacité à enrichir la veille Internet par des informations de terrain et des retours d’expérience. Dernier écueil, enfin, des outils logiciels inadaptés au contexte ou aux objectifs poursuivis. À noter cependant qu’il est rare qu’un système de veille échoue sur le seul facteur outil. Mais dans un système professionnel, l’outil doit permettre une mutualisation des ressources, des gains de temps significatifs et la production de livrables de veille avec beaucoup de réactivité. De plus en plus, les critères de qualité, de pertinence et d’ergonomie font partie des exigences des utilisateurs. Quelles sont, selon vous, les bonnes pratiques pour organiser un service veille et en assurer la pérennité ? Laurence Marcelli. Ce qui précède permet d’identifier les quelques bonnes pratiques qui assureront la pérennité du système de veille : - débuter non par un recueil des besoins mais par la diffusion ciblée de livrables de veille à partir de quelques axes identifiés ; - rester à l’écoute pour faire évoluer le périmètre de veille et être force de proposition ; - acquérir en permanence les compétences qui permettent de suivre l’évolution des méthodes, des usages et des technologies associées au pratiques de veille. Les retours d’expérience montrent un meilleur fonctionnement lorsque la dynamique est initiée à partir d’exemples de livrables plutôt qu’à partir du traditionnel recueil de besoins. Celui-ci peut intervenir dans un second temps. Les contours du périmètre de veille, la sélection et la diffusion de l’information, la production d’une information élaborée, décisive, se mettent en place progressivement en respectant les quelques principes évoqués plus haut : mutualisation/centralisation des moyens et décentralisation de l’analyse. Des objectifs clés peuvent être définis de manière collaborative et modeler en retour l’organisation de la veille et le partage de l’information. Il est donc indispensable, pour les personnes en charge de la veille et de l’intelligence économique, d’être en permanence à l’écoute afin d’adapter le dispositif pour qu’il réponde à des besoins concrets. L’évolution des technologies offre de nouvelles opportunités de faire évoluer les pratiques. On peut prendre l’exemple de la syndication de contenu du format xml. Il est donc utile, pour les chargés de veille et d’IE de se tenir au fait de ces évolutions et de se préparer à les maîtriser. On voit ici apparaître la nécessité d’un concours actif et bienveillant des Directions des systèmes d’information. Cela débouche aussi sur la mise en œuvre de systèmes d’information (dont les logiciels de veille) les plus flexibles possibles pour saisir de nouvelles opportunités de modernisation à un coût minimum. La mise en œuvre de ces facteurs de succès conditionne la pérennité du soutien de la direction. Quel est le profil idéal du responsable de l’intelligence économique en entreprise ? Quel doit être le rôle du système d’info (DSI) ? Laurence Marcelli. Idéalement, un responsable veille et IE doit être une personne curieuse, dotée des compétences transverses, à la fois flexible et rigoureuse. Aucun diplôme ne sanctionne l’acquisition du profil idéal, c’est plutôt un état d’esprit associé à certaines compétences. Comme nous l’avons dit précédemment, le rôle de la DSI est incontournable pour faire progresser le système de veille. Trop souvent malheureusement, les deux mondes se comprennent mal, et la DSI est perçue comme un frein par les équipes de veille. Quelles sont les grandes tendances des outils logiciels de la veille ? Laurence Marcelli. La réponse est double : si on regarde la situation actuelle du marché, on peut en conclure que la tendance est à une offre globale et packagée assurant à la fois la veille et (l’aide à) l’analyse. Mais des retours d’expérience récents et la demande qui émerge expriment des besoins d’adaptation des outils logiciels à des besoins spécifiques, de souplesse, de personnalisation et d’évolutivité. Ces caractéristiques sont plutôt celles de systèmes ouverts sur la construction de synergies entre technologies spécialisées. C’est ce que nous essayons de faire avec la plate-forme KeyWatch : proposer plusieurs déclinaisons du processus de veille, en intégrant des technologies éprouvées et performantes adaptées à des environnements professionnels différents et pour des objectifs recherchés différents. Deux exemples concrets illustrent cette approche : l’offre que nous avons proposée au groupe COFACE, qui intègre à la chaîne de traitement la technologie de text-mining de notre partenaire TEMIS. Nous avons construit une application automatisée de bout en bout permettant de restituer une information conceptualisée adaptée aux métiers de COFACE, avec plusieurs dizaines de milliers de profils d’information sur un même serveur. Le deuxième exemple est celui du ministère des Affaires étrangères et européennes où nous avons déployé KeyWatch intégrant le moteur sémantique de Sinequa. Cette application permet le traitement de grandes quantités d’information avec une grande réactivité pour répondre à des besoins d’information à la fois très divers et changeants. Dans les deux cas, les performances globales sont supérieures à la somme des performances des outils considérés individuellement, grâce aux synergies crées par l’intégration des technologies. Le résultat est transparent pour l’utilisateur. Un tel système offre des capacités d’évolution importantes, chaque éditeur améliorant constamment la technologie sur laquelle il s’est spécialisé. Cela s’accompagne du développement d’un savoir-faire qui allie compréhension des mécanismes propres à chaque outil et identification des fonctionnalités qui permettront la construction d’une chaîne de traitement adaptée. Les deux approches ne sont pas exclusives l’une de l’autre du point de vue du marché, mais la seconde est une alternative à ce que les américains ont appelé le “do-everythingnothing-well” ■ ➟www.iscope.fr Propos recueillis par Jean-François Romain QUALITÉ RÉFÉRENCES ➤ AVRIL, MAI, JUIN 2010 ➤ PAGE 41

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